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De Dion-Bouton et la guerre

Les jours raccourcissent et l’hiver approche. En ce mois de novembre, notre aventure annuelle avec De Dion-Bouton, à l’occasion des 140 ans de la marque, touche bientôt à sa fin. Alors, pour cet avant-dernier article avant 2024, nous vous proposons un article sur De Dion-Bouton et la guerre en hommage au 11 novembre 1918, date de la signature de l’armistice de la Première Guerre mondiale. Le marquis De Dion a dit un jour « La guerre a vu se développer le plus puissant effort industriel que l’on ait jamais connu dans l’histoire. Cet effort, quelques maisons, seulement, le fit, et les établissements De Dion-Bouton furent de celles-là. »[1]. Comment l’usine De Dion-Bouton a-t-elle vraiment participé à l’effort de guerre ?

Un partenariat avec l’Armée de longue date

Même avant la Première Guerre mondiale, l’usine De Dion-Bouton travaille de concert avec l’armée et se spécialise dans les véhicules militaires. A de nombreuses reprises, la marque De Dion-Bouton propose des véhicules de leurs catalogues aux concours de poids lourds, lors des grandes manœuvres qui permettent de gagner en visibilité et où l’armée teste les véhicules pour sa flotte. Ainsi, De Dion-Bouton participe au concours plusieurs années de suite entre 1899 et 1908. En 1909, la marque met même à disposition de l’armée deux camions de 2.5 tonnes et deux camions de 3 tonnes pour assurer le ravitaillement pendant les manœuvres du Bourbonnais.

Ils coopèrent notamment dans leurs travaux de recherches et de développement grâce à un partenariat avec l’Arsenal. En effet, avant d’accueillir les usines De Dion-Bouton, le quai national abrite, à partir de 1866, des ateliers de constructions dépendant directement du ministère de armées, plus connues sous le nom de l’Arsenal de Puteaux. En 1897, un officier et capitaine polytechnicien nommé Marie-Adolphe Houberdon est détaché de son régiment d’artillerie comme adjoint au directeur de l’établissement aux études des matériels d’artillerie moderne. L’usine De Dion-Bouton collabore avec lui sur le projet de canons de 75 automobiles pour le tir contre aéronefs en apportant son expertise sur la partie automobile. Cette collaboration fructueuse est reconduite et d’autres véhicules pour la défense anti-aérienne en découlent.

2Fi939 – PUTEAUX Les Ateliers de l’Artillerie.
La cour et l’entrée de l’Arsenal, quai National (auj. quai De-Dion-Bouton)
CARTE POSTALE N/B
G.I., 9 x 14,
Archives Municipales Puteaux

Parmi ces derniers, on compte des autos canons, des autos caissons, des véhicules d’accompagnements, et des autos canon-mitrailleuses. Houberdon créa même le frein hydropneumatique servant à absorber le départ du coup de feu sur les autos canons qui pouvaient transporter 5 militaires, tandis que les usines De Dion-Bouton renforcent leurs châssis (FZ et GO) à des fins militaires. Les autos caissons permettaient de pouvoir transporter 180 projectiles protégés dans des coffres en tôle d’acier blindé avec 5 militaires à bord. Les véhicules d’accompagnement, quant à eux, servaient au transport de pièces de rechange et d’outillage en plus de 4 personnes. Les autos canons-mitrailleuses ont été construit à la demande des ateliers de Puteaux. Elles consistaient en un véhicule blindé en acier chromé avec une tourelle armée de trois mitrailleuses, faisant d’elle un engin de reconnaissance. 

Certains véhicules De Dion-Bouton de type ordinaire ont été adaptés spécialement pour l’armée. Les véhicules d’escadrilles, par exemple, sont des De Dion-Bouton équipés de moteurs 4 ou 8 cylindres. Ils sont multifonctions et servent à tracter les appareils militaires sur plateau, de voiture de liaison, de transport de personnel, ou même de ravitaillement des aéroplanes etc. L’armée utilisait aussi des véhicules De Dion-Bouton pour le transport d’aéroplanes ou de pièces détachées dès 1912 puisque ces véhicules seront présentés aux grandes manœuvres de cette même année. Les autorités militaires commandèrent même des « ateliers roulants » munis d’un tour, d’une perceuse, d’une forge, d’une meule, d’un appareil de soudure et d’outillage qui pouvaient servir aux réparations sur le terrain des aéroplanes.

La réquisition entre 1914 et 1918

A l’annonce de la guerre, l’usine De Dion-Bouton met sa production en pause pour se concentrer sur la fabrication relevant du domaine de l’arsenal pour participer à l’effort de guerre et décide de ne pas se spécialiser mais de répondre aux besoins militaires lorsqu’ils se présentent. Alors que les hommes partent au front, ce sont les femmes et les jeunes garçons qui reprennent les postes des ouvriers au sein de l’usine et des ateliers. Le recrutement massif de 1500 employés supplémentaires amène le nombre de travailleurs à l’usine De Dion-Bouton à 6000 âmes en 1915.

En 1915, le marquis De Dion reçoit des journalistes et des militaires dans l’usine. Cette dernière fournit l’armée en groupes électrogènes pour les véhicules photo-électriques comme les projecteurs auto portés, les projecteurs tractés et les projecteurs télescopiques qui servent à éclairer les pistes d’atterrissage et le ciel la nuit lors des tirs. Elle participe aussi à la production de véhicules de santé tels que les véhicules de la section sanitaire (les ambulances), les autos chirurgicales, et les voitures bactériologiques. Ces véhicules servent respectivement à enlever les blessés du champ de bataille pour les transporter jusqu’à l’hôpital le plus proche, à effectuer des opérations sur place ou prodiguer les premiers soins, et au transport de vaccins et produits pharmaceutiques nécessaires sur le front. Parallèlement, elle poursuit sa production de véhicules de tourismes qui sont mis au service de l’armée. Pour aller plus loin, De Dion-Bouton crée un prototype de voiture de tourisme transformée en voiture blindée. Il est équipé d’un moteur 8 cylindres. Ce prototype n’est pas produit par la suite.

Néanmoins, ce ne sont pas que des véhicules qui sont produits par l’usine De Dion-Bouton. Lors de sa participation à l’effort de guerre, des armes sont développées en masse telles que les plateformes circulaires pour la défense antiaérienne équipées du canon 75 connu comme arme majeur de l’artillerie française, mais aussi des canons torpilleurs d’infanterie qui ont été produit en série au sein des usines. De plus, à l’époque, les voitures étaient vendues avec les magnétos de la marque allemande Bosch. Avec le début de la guerre, les magnétos ne peuvent plus être fournis par l’entreprise allemande. Les ateliers De Dion-Bouton conçoivent alors le magnéto Vitrix pour le remplacer.

De Dion-Bouton et ses ouvriers au front

Exposition La Première Guerre mondiale 1914-1918, Maison de la Mémoire, 2018-2023.

En 1914, le ministère de la Guerre réquisitionne aussi les automobiles afin de mettre sur pieds les convois des « taxis de la Marne » qui transportaient les soldats d’infanterie sur le front. Les taxis De Dion-Bouton n’y ont pas échappé et de nombreuses voitures ont fait partie de ces convois de 600 véhicules en compagnie d’autres marques automobiles comme Renault.

De nombreux ouvriers de l’usine De Dion Bouton sont appelés au front entre 1914 et 1918. Parmi ces hommes 141 ouvriers au sein de l’usine De Dion-Bouton meurt pour la France et ne reviennent pas du front. Pour leur rendre hommage, une affiche est créée au sortir de la guerre par la marque. Sur celle-ci, tous les ouvriers morts pour la France sont listés avec un portrait lorsque cela est possible. On connait donc les noms et les visages de ces hommes qui sont visibles à la Maison de la Mémoire, musée de la ville consacré à la Première Guerre mondiale.

Sources

Baudin, « Images du Passé, 1883-1926 », Amicale De Dion-Bouton, mai 1937

Kammerlocher, « De Dion-Bouton », La lettre, La SHALP, n°4, mai 1986

Boyer, Pierre, De Dion-Bouton : de l’automobile à l’aéronautique, Rétroviseur, 1995

« Puteaux commémore la grande guerre », Puteaux, 2018

Garino, Gaston, De Dion et Bouton une saga, J.Barreau, Paris.


[1]Pierre, Boyer, De Dion-Bouton : de l’automobile à l’aéronautique, Rétroviseur, 1995, p.156

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