Le Travail pendant la guerre
Bonjour et bienvenue pour un troisième épisode de la saison 2 « 39-45 : mémoires de guerre » dans laquelle nous vous faisons redécouvrir la Seconde Guerre mondiale comme vous ne l’avez jamais vu à l’occasion des 80 ans de la Libération. Plongez dans la vie de ceux qui l’ont vécu à travers leurs yeux et leurs oreilles entre 1939 et 1945. Ce troisième épisode vous fait découvrir les conditions de travail des Putéoliens et Putéoliennes pendant les années de guerre.
La crise économique : entre chômage et charité
La crise économique qui avait marqué les années d’entre-deux-guerres continue et le chômage frappe la France de plein fouet. En août 1940, on compte environ 6 000 personnes sans travail, inscrites au chômage, et faisant la queue au bureau de bienfaisance de Puteaux. Et c’est sans compter les ouvriers des usines dont le chômage technique est pris en charge par leurs employeurs ! L’exode pousse les commerçants à fermer boutique avant de fuir vers le sud. S’ils réouvrent à leurs retours, les artisans peinent à reprendre leur activité à cause d’un manque de matières premières. Les usines réouvrent, elles aussi, mais sont réquisitionnées par l’occupant. Les Putéoliens et Putéoliennes sont aux abois. Un Putéolien témoigne :
« 2 octobre 1940 : Monsieur le Commandant, je prends la liberté de vous écrire pour solliciter de vous un emploi soit dans un garage de motos ou n’importe quoi car j’ai un gamin de 6 ans et ma femme en attend un autre. Pensez monsieur, à 3 avec 18 francs par jour qu’il faut en avoir avant et après. Enfin, faites l’impossible je vous prie. »
Pour lutter contre le chômage et la pauvreté liée au départ des hommes à la guerre, de grands travaux contre le chômage sont organisés par la mairie et le Haut-Commissariat au Chômage. A partir du 1er juillet 1940, la mairie entame de nombreux travaux de rénovations et d’entretiens des bâtiments communaux, des infrastructures et même de la voirie pour employer les chômeurs.
La charité devient une question de survie générale. Ainsi, la municipalité constitue, en 1940, un Comité Municipal d’Aide et d’Assistance en parallèle du Secours National. Il rassemble toutes les associations publiques ou privées d’assistance. Il est présidé par le Maire George Barthélémy avec l’aide d’un comité de direction comprenant le curé et même le pasteur de la ville ! Il est divisé en 3 sections : les œuvres civiles, l’aide aux militaires et à leur famille, l’aide aux anciens combattants et aux victimes civiles de guerre. Il permet de coordonner toutes les œuvres sociales de la ville pour plus d’efficacité, peu importe sa confession ou ses idées politiques ! La mairie ouvre de nombreuses cantines municipales d’entraide pour les enfants. 115 enfants profitent donc d’un repas chaud au prix de deux francs et demis. Pour les adultes, une cuisine municipale d’entraide ouvre ses portes le 2 décembre 1940 dans les locaux de la brasserie Coop, au 33 boulevard Richard Wallace. Elle fournit des repas coutant entre 0,75 francs et 2,75 francs aux habitants démunis.
Travailler en temps de guerre
La réquisition
Dès le début de la guerre, avec la mobilisation des hommes pour l’armée française, la main d’œuvre manque cruellement dans les campagnes. En 1941, une loi est promulguée pour réquisitionner de la main d’œuvre agricole afin de nourrir la population et l’armée. Les employeurs sont appelés à recenser les adultes entre 21 et 46 ans, mariés depuis 2 ans et sans enfants ainsi que les adultes célibataires du même âge avec une expérience professionnel agricole. A ceci s’ajoute un service civique rural qui est mis en place pour les jeunes hommes, entre 17 et 21 ans, qui ne sont pas en âge d’entrer à l’armée pour réduire le chômage. Tous les jeunes, je cite, « oisifs ou employés sans profession » doivent se manifester sous peine d’une incorporation dans un centre spécial de travail. Ces hommes réquisitionnés pour le travail aux champs étaient soumis à l’autorité militaire mais devaient être traités comme des civils sans les avantages de l’armée. Évidemment, ils étaient payés comme tous les salariés ! Ces déracinés étaient reconnaissables au brassard qu’ils portaient à leur bras. Pendant la guerre, plusieurs vagues de réquisition de main d’œuvre agricole ont été organisées, pour nourrir la population française.
Les conditions de travail
Ceux qui ne travaillaient pas dans les champs devaient soutenir l’effort de guerre. Les usines se reconvertissent et travaillent pour la Défense Nationale française. Mais les conditions de travail sont difficiles. Les ouvriers qui avaient réussi à obtenir la semaine de 40 heures grâce au Front Populaire, voient leur temps de travail s’allonger.
Un ouvrier de Puteaux témoigne en 1944 :
« Dans notre usine, le personnel était payé jusqu’à ce jour pour 48 heures, le personnel d’atelier à l’heure, le personnel du bureau au mois (le salaire ayant été augmenté en temps d’occupation de 40 à 48 heures). » – La vie Ouvrière, 21 septembre 1944, p.2.
Les ouvriers des usines d’armement peuvent même travailler jusqu’à 60 heures, six jours sur sept !
Lorsque le gouvernement de Vichy remplace la Troisième République, les lois sur le travail changent. Le 16 août 1940, le maréchal Pétain met en place dans toutes les branches industrielles ou commerciales des comités d’organisation et dissous les syndicats de travailleurs et de patrons. Une charte du Travail est écrite par le ministère du Travail et votée le 4 octobre 1941. Elle a pour but de recréer un système de corporation des métiers pour remplacer le capitalisme. Un syndicat unique et obligatoire est créé : « le comité social ». Cette charte interdit par la même occasion la grève des ouvriers et des patrons. Les Français et les Françaises n’ont plus de moyens de se défendre. Cette nouvelle loi est très ambiguë puisqu’elle supprime de nombreux droits acquis durant les dernières décennies mais garantit aussi pour la première fois en France un salaire minimum vital fixé par l’État.
La collaboration par le travail : le STP et l’AMS à Puteaux
Après l’installation de l’occupant allemand en 1940, l’OrtzKommandantur d’Asnières demande un recensement des usines automobiles, métallurgiques et d’armement installées de la ville pouvant être utiles à l’armée allemande. Ces usines, qui avaient modifiées leur production pour aider l’armée française, doivent dès lors, fournir le Troisième Reich. C’est la collaboration économique ! A Puteaux, ce sont 1961 personnes qui travaillent dans les usines sous le joug de l’occupant à l’automne 1940. Des usines sont occupées comme Unic, Morane-Saulnier, Zodiac ou Tecalemit. Des entreprises allemandes comme Krupp ou Daimler-Benz s’installent même sur les quais. En parallèle, le gouvernement met en place une propagande pour inciter les Français à travailler en Allemagne volontairement.
En juin 1942, Pierre Laval annonce la politique de « la relève » pour motiver la participation de la France à l’effort de guerre allemand en échange de la libération de prisonniers français. Dans le cadre de cette politique, un centre de réadaptation et de formation professionnelle accélérée est créé à Puteaux au sein des locaux de l’Arsenal. Ces Ateliers Mécaniques de la Seine accueillent les hommes entre 18 et 50 ans souhaitant se former pour travailler en Allemagne. Il est possible de faire soit un stage de 15 jours ou bien de 6 semaines pour les jeunes sans formation. Cette école sert de passerelle entre la France et l’Allemagne ainsi que d’exemple pour la propagande du régime de Vichy. En 1943, on compte plus de 3000 ouvriers qui ont été envoyé en Allemagne après leur apprentissage. Muni d’un internat à Suresnes, d’ateliers bien équipés, d’une bibliothèque, d’un repas chaud trois fois par jour et même de séances de cinéma, et d’une offre de travail à la clé, cette école fait tout pour attirer les jeunes malmenés par le chômage, les restrictions et la guerre.
Trampus. “Photographie propagande : jeunes ouvriers travaillant dans une usine de Puteaux” 18 janvier 1943, PH45100, Paris, musée Carnavalet. Affiche “Du nouveau contre le chômage!”, Ateliers de Mécanique de la Seine, 1940-1944, AFF30134-5, Bibliothèque La Contemporaine
Cependant, cette politique est un échec et la réquisition est instaurée à la place. Le lundi 12 octobre 1942, dans une usine à Puteaux, le directeur de la propagande pour les ouvriers, François Chasseigne prononce un discours alarmant retransmis sur Radio-Vichy. Il annonce que les Allemands ont lancé un ultimatum à la France : elle a quatre jours pour recruter 150 000 ouvriers français qui devront travailler en Allemagne ou ils seront pris de force. Les Français refusent et il n’y a pas assez de volontaires. Il n’en a pas fallu plus pour que le Service du Travail Obligatoire, le fameux STO, soit mis en place pour les jeunes nés entre 1920 et 1922 par la loi du 16 février 1943. En France, ce sont entre 600 et 650 000 travailleurs qui ont été acheminés en Allemagne pour y travailler de force.
En collaborant à l’effort de guerre allemand, la France devient une cible pour les Alliés. Comment les habitants vivent ce nouveau danger ? A voir au prochain épisode !
Sources
4H06, 4H07, 4H10, AMP.
L’Atelier, 12 décembre 1942, Retronews.fr. URL : https://www.retronews.fr/journal/l-atelier-1940-1944/12-decembre-1942/3312/5018828/6
L’Atelier, 24 juillet 1943, Retronews.fr. URL : https://www.retronews.fr/journal/l-atelier-1940-1944/24-juillet-1943/3312/5018770/6
France, 13 octobre 1942, Retronews.fr. URL :https://www.retronews.fr/journal/france/13-octobre-1942/1851/3319505/1
La Vie ouvrière, 21 septembre 1944, Retronews.fr. URL : https://www.retronews.fr/journal/la-vie-ouvriere/21-septembre-1944/3450/5438378/2
Le Progrès de la Somme, 6 mars 1943, Retronews.fr. URL : https://www.retronews.fr/journal/le-progres-de-la-somme/6-mars-1943/2227/4543375/1
Alexandre SUMPF, « La roulette allemande : la « Relève » de 1942 », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 27/09/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/roulette-allemande-releve-1942
Alexandre SUMPF, « La collaboration par le travail », Histoire par l’image [en ligne], consulté le 27/09/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/collaboration-travail
“Hommage aux travailleurs et travailleuses en temps de guerre”, 9 janvier 2024, Archives Nationales du Monde du Travail. URL : https://archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/Decouvrir/Dossiers-du-mois/Hommage-aux-travailleurs-et-travailleuses-en-temps-de-guerre
Malon, Claude. « Chapitre VI. Travailler et chômer sous l’Occupation ». Occupation, épuration, reconstruction, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, https://doi.org/10.4000/books.purh.5431.
Lamure, Priscille, “Le STO : Quand des milliers de jeunes Français ont refusé d’aller travailler en Allemagne”, 7 février 2019, Retronews.fr. URL : https://www.retronews.fr/conflits-et-relations-internationales/echo-de-presse/2019/02/07/le-service-du-travail-obligatoire?uid=MTA0NTMwMA
“La Charte du travail de Vichy ou le travail comme valeur refuge”, Archives Nationales du Monde du Travail. URL : https://archives-nationales-travail.culture.gouv.fr/Decouvrir/Dossiers-du-mois/La-Charte-du-travail-de-Vichy-ou-le-travail-comme-valeur-refuge