LA VIE QUOTIDIENNE PENDANT L’OCCUPATION
Bonjour et bienvenue pour un deuxième épisode de la saison 2 « 39-45 : mémoires de guerre » dans laquelle nous vous faisons redécouvrir la Seconde Guerre mondiale comme vous ne l’avez jamais vu à l’occasion des 80 ans de la Libération. Plongez dans la vie de ceux qui l’ont vécu à travers leurs yeux et leurs oreilles entre 1939 et 1945. Ce deuxième épisode vous fait revivre la vie quotidienne des Putéoliens et Putéoliennes pendant l’Occupation.
En 1940, la France est vaincue et est divisée en deux zones, l’une occupée par l’Allemagne et l’autre administrée par le gouvernement de Vichy jusqu’en 1942 où le pays est entièrement occupé. Au début de la guerre, Puteaux se trouve en zone occupée. Comment vivait la population sous l’Occupation ? C’est ce que nous allons voir dans ce deuxième épisode.
L’Occupation
Dès la capitulation de la France, les voyages sont suspendus entre la zone occupée et la zone libre. Des laissez-passer sont instaurés dès le mois d’août 1940. Si les voyages pour aller chercher des enfants suite à l’exode, aller voir des parents malades ou assister à un enterrement sont autorisés, le système se durcit dès 1941. Tous les voyages sont suspendus exceptés ceux pour raisons économiques ou commerciales, s’ils participent au regain de l’économie. Concernant la correspondance, aucune lettre ne peut circuler entre les deux zones, exceptés les télégrammes d’événements familiaux importants (naissance, mariage, décès). Aucune correspondance n’est possible entre la zone occupée et l’étranger.
Dans toute l’Ile-de-France, les Allemands mettent en place des entités chargées de l’organisation administrative du territoire occupé. Une Kommandantur, structure de commandement militaire, est installée à Puteaux. La Ortskommandantur, échelon supérieur, est installée à Asnières.
La population putéolienne se méfie des Allemands, même si les témoignages s’accordent à dire que ceux-ci étaient très corrects. Ils réquisitionnent des chambres et des hôtels dans la ville pour les soldats et les ouvriers venus d’Allemagne. Cependant, la plus grande méfiance concerne les collaborationnistes et la répression susceptible de s’abattre sur ceux qui ne seraient pas de leur avis.
Le conseil municipal de Puteaux est réinstallé suite à l’exode de juin 1940. Certains conseillers qui avaient fui sans raison valable sont renvoyés car les fonctionnaires avaient été enjoints à rester à leur poste par l’administration. Le maire Georges Barthélémy est révoqué pour abandon de poste mais il lui est rendu par le gouvernement de Vichy en juillet 1940. Etant député, il avait suivi le gouvernement parti se réfugier à Bordeaux. En février 1941, il est nommé par le Maréchal Pétain au Conseil national (sorte d’Assemblée consultative du régime de Vichy). En 1942, il est secrétaire du parti Populaire Français, parti collaborationniste.
Le nouveau conseil municipal doit travailler de concert avec l’occupant. Il est chargé de faire appliquer les consignes reçues de la Ortskommandantur. Il doit envoyer toutes les semaines des rapports sur la situation de la commune concernant le ravitaillement, le taux de chômage et évidemment les dissidences politiques. On y apprend que le parti gaulliste est quasiment inexistant à Puteaux mais que les communistes font l’objet d’une surveillance et d’arrestations accrues et qu’ils inquiètent le pouvoir en place.
Pendant la guerre, le maire et les adjoints du conseil municipal sont nommés par le ministre-secrétaire d’Etat à l’Intérieur. Les conseillers sont nommés par le préfet. Un nouveau conseil municipal est nommé le 22 mars 1942. Georges Barthélémy est nommé maire et parmi les 20 conseillers se trouve une certaine Madame Audouin, nommée pour satisfaire à l’exigence d’avoir « une femme qualifiée pour s’occuper des œuvres privées d’assistance et de bienfaisance nationales », curieuse mesure du gouvernement de Vichy alors même que les femmes n’ont pas encore le droit de vote ! Madame Audouin serait donc la première femme membre du conseil municipal de Puteaux. Il est cependant à noter qu’elle a été nommée et non élue, tout comme l’entièreté de ce nouveau conseil municipal. Les premières femmes élues au conseil municipal le sont en 1945.
La population doit également faire face à des réquisitions qu’il s’agisse de matériel, de chevaux, de logements ou encore de main d’œuvre. C’est le cas notamment en 1944. Les nazis ont besoin de main d’œuvre agricole et ordonnent la réquisition des jeunes hommes nés entre 1926 et 1928. Une mesure qui en pousse certains à rejoindre les rangs de la Résistance.
En parallèle et comme dans la majorité de la France, Puteaux n’échappe malheureusement pas à la déportation. Suite à la « loi portant statut des juifs » adoptée en 1940, la politique collaborationniste de Vichy se met en marche. Si cette première loi vise à exclure les juifs de certaines professions, elle donne lieu à de nouvelles mesures qui vont jusqu’à l’arrestation et la déportation de ces populations. A Puteaux, 32 personnes ont fait les frais de cette terrible politique antisémite et ont trouvé la mort dans les camps de concentration. A cela s’ajoute environ 80 personnes déportées pour faits de Résistance. Un bilan terrible qui rappelle la nécessité du devoir de mémoire pour qu’une telle tragédie ne puisse jamais se reproduire.
Ravitaillement et rationnement
Lors de la débâcle de mai et juin 1940, suite à la fuite de nombreux membres du Conseil municipal, une commission est montée par des habitants pour organiser le plus urgent : le ravitaillement de la ville. Il concerne en particulier les produits de première nécessité à savoir les pâtes, le sel, le chocolat, l’alcool à brûler et l’eau de javel.
En France, comme dans les autres pays occupés, l’Allemagne organise le pillage des richesses et les populations manquent de tout. Des tickets de rationnement sont mis en service pour répartir équitablement les produits. Selon son âge, chacun reçoit une ration différente pour des produits variés (lait pour les bébés, tabac pour les adultes par exemple). De manière générale, la population de Puteaux manque de tout : pommes de terre, œufs, lait, pain, viande, poisson (quasiment introuvable) … excepté le vin car le syndicat des négociants local a su se charger de l’approvisionnement. Il y a des priorités !
La population se met à chercher des produits de remplacement, les fameux « ersatz » (mot allemand apparu lors des pénuries de la Première Guerre mondiale). L’orge grillée remplace le café, la saccharine remplace le sucre, les miettes de pain sont conservées pour faire une sorte de farine à gâteaux. Certains installent un clapier à lapins sur leur balcon, d’autres cultivent un potager dans un coin de jardin public. Le troc et le marché noir se développent malgré la surveillance de l’occupant qui en profite également. Des habitants et des habitantes de l’époque témoignent :
« Nous avions très peu de nourriture par semaine, environ 250g de viande. Avec ma première paie, j’avais acheté une fausse carte de rationnement à mon père ».
« Les rations allouées étant restreintes, je fis de faux tickets que quelquefois je réussissais à passer. Et j’ai eu regret, un jour, d’envoyer Nany chercher du pain, ses tickets lui furent refusés et vexée, elle pleurait ». (Lise Lemaitre né Lesaint)
Les Transports
Pendant l’Occupation, les voitures sont réquisitionnées par les Allemands. Seules certaines professions ont le droit de conserver leurs véhicules comme les livreurs, les médecins ou les policiers. Mais rapidement, il est très difficile de trouver de l’essence. Les demandes de carburants se font auprès de la Préfecture de Police de Paris sauf si la maison concernée travaille pour l’armée allemande, elle obtient alors un permis exceptionnel.
Le vélo devient alors un moyen de transport incontournable et un bien très précieux souvent volé. En 1942, la France compte près 10 millions de bicyclettes pour 40 millions de Français. Les vélos-taxis se multiplient et le prix de la course est établi en fonction du poids du client. Plus le client est lourd, plus il paie cher ! Dès 1941, il devient impossible d’acheter des pneus car il y a une pénurie. Pour réparer les roues crevées, on colle ensemble des morceaux de tuyaux ou de joints de robinets, et on utilise du liège pour réparer les crevaisons.
Les Français et les Françaises peuvent aussi voyager en train, mais les horaires d’arrivée sont incertains. Les contrôles d’identité se multiplient, ce qui ralentit le départ des trains. À partir de 1942, les bombardements alliés détruisent de nombreuses gares et endommagent les voies ferrées. Il faut donc trouver d’autres moyens de se déplacer, notamment pour aller travailler.
Comment s’organisait le travail sous l’Occupation ? A voir au prochain épisode !
Sources
Témoignages de Lise Lemaitre, non coté, don Blondy, AMP.
4H05, 4H06, 4H09, 4H10, 4H23, AMP.
Dossier documentaire sur les déportés de Puteaux, AMP.
Mateus, Christine, “Rationnement, mode, transport… la vie quotidienne en août 1944 à Paris”, Le Parisien, 21 août 2019. URL : https://www.leparisien.fr/paris-75/rationnement-mode-transport-la-vie-quotidienne-en-aout-1944-a-paris-21-08-2019-8136684.php
“39-45, c’était comment la guerre ? : la vie quotidienne en Seine-et-Marne pendant la Seconde guerre mondiale”, [exposition, Dammarie-les-Lys, Muséobus départemental, 23 novembre 2005] / [organisé par le Conseil général de Seine-et-Marne], coll. Mémoire et documents de Seine-et-Marne, 2005.
Site L’Histoire par l’image, URL : https://histoire-image.org/albums/art-seconde-guerre-mondiale