La Défense Passive
Bonjour et bienvenue pour un quatrième épisode de la saison 2 « 39-45 : mémoires de guerre » dans laquelle nous vous faisons redécouvrir la Seconde Guerre mondiale comme vous ne l’avez jamais vu à l’occasion des 80 ans de la Libération. Plongez dans la vie de ceux qui l’ont vécu à travers leurs yeux et leurs oreilles entre 1939 et 1945. Ce quatrième épisode décrit la Défense passive à Puteaux.
Dans le courant des années 1930, dans un contexte international très tendu avec la montée des totalitarismes en Europe, apparait en France la notion de « Défense passive ». Rendue obligatoire sur l’ensemble du territoire, elle se met progressivement en place afin d’assurer au mieux la sécurité de la population française en cas de conflit armé. En quoi consiste cette Défense passive à Puteaux ? C’est ce que nous allons voir dans ce quatrième épisode.
La Défense passive, c’est quoi ?
Dans toutes les communes de plus de 2 000 habitants (il y a plus de 36 000 habitants à Puteaux à l’époque), une brigade composée de civils doit être constituée afin d’assurer la protection des populations en temps de guerre et d’annoncer un certain nombre de mesures en cas de bombardements.
Il s’agissait tout d’abord d’informer et de sensibiliser la population par voie d’affiches, de radio, de distribution de fascicules, d’organisation de réunions d’information ou de visites d’abris. Il y avait également des consignes sur la conduite à tenir en cas d’alerte : extinction des feux, se diriger vers l’abri le plus proche (que l’on a repéré auparavant), utiliser des moyens de protection individuel en cas d’attaque chimique. Des masques à gaz sont distribués dès 1938 à Puteaux, d’abord à titre gratuit, puis contre paiement en 1939. Suivant les directives ministérielles, les étrangers n’y ont pas droit avant qu’il soit autorisé d’en distribuer aux nationalités alliées comme les Anglais ou les Polonais. Dès la déclaration de guerre, les habitants sont priés d’avoir toujours leur masque avec eux en cas d’attaque surprise. De nombreuses publicités et manuels d’utilisation circulent sur les différents modèles de masques.
Venait ensuite le recensement de lieux pouvant servir d’abris (stations de métro, caves…) et la contribution à leur aménagement. Il était important de connaître l’emplacement des abris en amont des alertes qui, bien qu’ayant davantage lieu la nuit, pouvaient également être déclenchées le jour (on n’était pas toujours à proximité de son domicile en journée). Des panneaux installés sur les façades des immeubles à Paris indiquaient notamment la présence d’abris et le nombre de places. Pour finir, les équipes de la Défense passive devaient mettre en place un réseau de surveillance et d’alerte en cas d’attaque ou de bombardements au moyen de sirènes.
C’est dans ce contexte que la ville de Puteaux fait construire et aménager divers abris sur la commune de la fin des années 1930 à 1944.
Les abris
Des abris sont aménagés sous l’Hôtel-de-ville, dans les sous-sols de l’Hôpital, dans les écoles comme au niveau des groupes scolaires Marius Jacotot et République, à l’école pratique de Commerce et d’Industrie rue Mars et Roty ou bien encore au niveau de la crèche municipale située 145 rue de la République. Des tranchées bétonnées étaient également présentes sur l’Ile et sur la place du Marché. De nombreux immeubles privés ou publics de la ville voient leur structure renforcée au niveau des caves pour servir d’abri.
De cette période, ne subsistent plus que les abris antiaériens de la résidence HLM du 140 rue de Verdun. La municipalité de Puteaux profite de l’opportunité de la construction de cette résidence entre 1937 et 1938 pour y implanter deux abris anti-aériens en sa cour centrale. Ils sont achevés en 1941.
Ces abris ont été conçus en deux blocs distincts de 200 à 250 m2 environ, composé chacun de 10 cellules prévues pour accueillir 50 personnes chacune soit 500 personnes au total par abri. En fond de cour, le premier abri n’était accessible qu’aux seuls habitants de la résidence. Le second, plus proche de la rue, était ouvert aux habitants de Puteaux et de Suresnes qui habitaient à proximité.
Situés à 4,25 mètres sous la surface de la cour et recouverts d’une dalle de 1,70 mètres d’épaisseur, l’ensemble est constitué de deux abris indépendants des immeubles par leur structure mais également en eau, en chauffage et en électricité. Les habitants et habitantes descendaient dans les abris avec des couvertures et quelques vivres car la durée d’attente pouvait être de plusieurs heures. Quant aux murs, ils font en moyenne 70 centimètres pour une hauteur de 2,51 mètres sous plafond, ce qui permettait à l’installation de résister à des bombes de 300 kilos ainsi qu’à des attaques de gaz.
Les abris comptent deux accès extérieurs et deux accès intérieurs par les caves de la résidence pour éviter aux civils de s’exposer à l’extérieur. Pour réduire les risques et aider au cloisonnement de l’espace, l’abri pouvait être coupé en deux par un sas central à portes blindées, notamment en cas d’attaque chimique.
Les bombardements
Ces abris ont servi à plusieurs reprises car Puteaux, du fait de sa proximité avec la capitale, a été le théâtre de plusieurs bombardements durant la guerre.
« 2 juin 1940 : Bombardements sur Paris. Partant travailler, je prends Nanny à l’école et l’emmène à maman au foyer de l’Arsenal. Les usines Citroën ayant été bombardées, l’oncle Alfred reçut un éclat au pied. Pour les soins, tante Marie l’emmenait à l’hôpital Boucicaut… en brouette ! » – Lise Lemaître née Lesaint
Le 3 juin 1940, un bombardement cause de nombreux dégâts sur la région de Puteaux-Suresnes-Nanterre et occasionne de nombreuses victimes. A Puteaux, 8 personnes travaillant pour l’usine UNIC trouvent la mort. Les cercueils et les frais d’inhumation sont payés par la Mairie. Ce bombardement fait également 50 blessés dont 16 graves transportés à l’hôpital Beaujon de Clichy.
Un bombardement dans la nuit du 20 au 21 avril 1944 touche également le territoire de la commune de Puteaux. 4 personnes sont tuées, 4 sont blessées et 29 sont sinistrées. Quatre pavillons, un hangar et une roulotte sont totalement détruits et 25 pavillons sont endommagés. On relève 14 points de chute de bombes sur le quartier des Bouvets. Un obus de DCA éclate dans le chantier d’un charbonnier situé au 16 rue Ledru-Rollin. Les premiers secours sont immédiatement organisés par le Maire, Georges Barthélémy, en collaboration avec les sapeurs-pompiers et la Défense passive. Le poste sanitaire situé dans les sous-sols de l’Hôtel de ville recueille alors les premiers blessés qui sont aussitôt soignés par le personnel présent. Le vestibule d’honneur de la Mairie est transformé en chapelle ardente et les corps y sont exposés le lundi 24 avril de 8h à 18h. La levée de ceux-ci a lieu le soir en présence d’une foule nombreuse. Les obsèques des victimes sont célébrées en présence du Maire entouré des membres du Conseil municipal, de délégations d’employés et d’ouvriers des services communaux ainsi que d’une foule nombreuse.
D’autres bombardements ont lieu sur Puteaux mais ne font que des dégâts matériels. Le 15 septembre 1943, des obus de DCA tombent sur les immeubles des rues de Valmy, Ambroise Paré et sur l’avenue du Président Wilson. Des débris d’avions tombent, quant à eux, au 40 quai National (aujourd’hui quai de Dion-Bouton). Une bombe tombe également à Courbevoie sur le ballast de la voie ferrée, au raccordement des embranchements de la Folie entre Puteaux et Courbevoie. Dans la nuit du 7 au 8 juin 1944, un avion en flamme tombe sur Puteaux. Un certain nombre d’immeubles sont endommagés dans le centre-ville.
Cette tension permanente ajoutée à la dureté de l’Occupation créé un sentiment de rébellion au sein de la population. Certaines personnes s’engagent alors dans la Résistance. Comment s’organisait-elle à Puteaux ? A voir au prochain épisode !
Sources
4H10, 4H20, 4H23, AMP.
Cadario, Gervais. “Terre : La défense passive”, Revue Historique des Armées, n°209, 1997. Armées et réorganisations. pp. 128-129. URL : https://www.persee.fr/doc/rharm_0035-3299_1997_num_209_4_4711
Mugneret, Mathieu, “La Défense Passive”, Fortitude, Histoire et Mémoire de la Seconde Guerre mondiale, 9 août 2021. URL : https://fortitude-ww2.fr/la-defense-passive
“Première loi de défense passive”, senat.fr. URL : https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/lhistoire-du-senat/dossiers-dhistoire/d38/dossiers-dhistoire-le-senat-1940-1944-defense-passive.html
Témoignage de Lise Lemaitre né Lesaint, don Blondy, AMP.