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La vie quotidienne à l’usine

Les vacances d’été sont finies et tandis que certains retournent à l’école, d’autres reprennent leur poste au travail. Nous continuons donc nos articles dédiés à la marque automobile De Dion-Bouton qui fête ses 140 ans en cette année 2023. Ce mois-ci, nous nous attaquons à un sujet qui nous touche tous, et pas des moindres : la vie au travail. Alors, comment vivaient les ouvriers de l’usine De Dion-Bouton ? Qui étaient-ils ? Remontons le temps pour découvrir leur vie quotidienne à l’usine.

Le travail à l’usine : physique et rude

Lorsque le monde de l’usine émerge au XIXe siècle avec la Révolution industrielle, les ouvriers et ouvrières de ses usines travaillent dans des conditions déplorables que la loi mettra près d’un siècle à réglementer et améliorer. De fait, ces derniers travaillent dans la poussière des machines et la chaleur en suivant des cadences de plus en plus rapides pour répondre aux besoins des consommateurs. L’usine De Dion-Bouton n’échappe pas à ce mouvement et l’environnement de travail des ouvriers est tout aussi difficile. C’est d’ailleurs ce qui pousse les ouvrières de l’usine De Dion-Bouton à se mettre en grève en 1916 suite à la proposition de l’usine d’augmenter la cadence des ouvrières pour compenser la baisse du prix des pièces que nous avons abordés dans le numéro de mars dernier. De plus, le travail sur les machines est un travail physique et rude, pour lequel la sécurité n’est pas toujours facile à garantir et des accidents peuvent arriver.

Quels ouvriers pour quels postes ?

Pour la faire tourner, l’usine De Dion-Bouton engage de nombreux employés. Ainsi, alors qu’ils n’étaient que 2 000 en 1897, ils sont 3 500 en 1913. Parmi ces employés, il y a des hommes, mais aussi des femmes. Les deux sexes évoluent séparément au sein de l’usine : les hommes travaillent dans les ateliers qui nécessitent une grande force physique comme dans l’atelier de montage tandis que les femmes s’occupent des petites pièces. Il arrive que les deux se mélangent et qu’une femme travaille au sein des ateliers, mais cela reste rare.

Même durant les temps de pause, ils ne se mélangent pas. Les femmes mangent avec les femmes et les hommes mangent avec les hommes. Néanmoins, cette organisation est vouée à changer au XXe siècle. Ces femmes, qui viennent pour la plupart des classes populaires, sont nombreuses et remplacent les hommes pour participer à l’effort de guerre durant la Première Guerre mondiale. Après la guerre, une grande partie de ces dames est mise au chômage.

Usine De Dion-Bouton – les directeurs, ingénieurs, chefs de service de l’usine en 1902
Photographie argentique N/B
1902
4Z13, Archives municipales de Puteaux

Pour autant, ce n’est pas la seule division sociale au sein de l’usine. Les différences de classes sociales s’illustrent particulièrement au sein de la hiérarchie de l’usine et c’est pour cette raison que nous trouvons les hommes des classes supérieures à la direction de l’usine ou occupant des postes plus qualifiés comme la conception tandis que les postes aux qualifications inférieurs et aux conditions de travail difficiles sont occupés par les hommes des classes populaires.  

Ces différences de classes se manifestent dans leurs vêtements de travail : les hommes des classes populaires sont dans les ateliers vêtus de bleus de travail tandis que les hommes des classes supérieures arborent des costumes plus raffinés.

Des politiques philanthropiques aux soulèvements populaires

ETABLISSEMENT DE DION-BOUTON – Ecole d’apprentissage
L’école d’apprentissage de l’usine De Dion-Bouton, quai National (auj. quai De Dion-Bouton).
CARTE POSTALE N/B
9 x 14
2Fi1546, Archives municipales de Puteaux

Le marquis de Dion, motivé par sa femme, s’attèle à améliorer les conditions de travail et d’existence de son personnel qu’il accompagne tout au long de leur vie. Ainsi, l’usine offre des allocations familiales à ces employés pour encourager la natalité, il fonde la société mutualiste et un réfectoire qui deviendra une cantine en 1919 assurant la bonne alimentation du personnel. Après la Première Guerre mondiale, une pouponnière où les ouvrières peuvent allaiter, un dispensaire et un service médical gratuit sont mis en place. L’école d’apprentissage, dirigée par un ingénieur des Arts et Métiers, forme les jeunes putéoliens et parisiens pour leur assurer une carrière dans l’usine et des industries de la région lors d’un parcours d’une durée de trois ans. La caisse de secours mutuels de la maison De Dion-Bouton est créée en 1894 par M. Rouxel[1] pour permettre de fournir des secours à ses membres en cas de maladie, d’invalidité et en cas de décès, à leurs héritiers.[2]

Toutes ces œuvres sociales menées par la marquise De Dion, administrateur des Établissements de Dion-Bouton, ne sont pas procurées sans arrière-pensée puisque de bonnes conditions de travail et une bonne santé garantisse une efficacité de ses employés et de rendement, sans oublier une fidélisation de son personnel.

Malgré les efforts du directeur, monsieur Labedens, pour entretenir de relations cordiales avec les employés, il arrive que certains mécontents établissent des attestations pour poursuivre l’usine en justice par le biais de tribunal des Prud’hommes. Au-delà de ces contestations personnelles, des contestations groupées peuvent se manifester comme les grèves de 1906 qui éclatent le 1er mai et dureront trois semaines. Les ouvriers se soulèvent pour réduire les heures de travail d’une journée de douze à quatorze heures pour une journée de huit heures.[3]  

Pour remédier à cela, l’entreprise mène des campagnes de recrutements triés sur le volet avec des critères spécifiques. Pour éviter les mouvements de contestation, l’entreprise trie ses candidats pour ne retenir que les candidats qui ne sont pas engagés au sein de syndicats ainsi que les anciens légionnaires dans l’optique d’étouffer les mouvements dans l’œuf[4].

Et vous, chers Putéoliens, auriez-vous postulé pour travailler chez De Dion-Bouton ? Qui auriez-vous été : directeur, contremaitre, ou simple ouvrier ? Nous, au service des Archives, on vote pour directeur. Avouez que leurs moustache leurs donnent du panache ! A très vite, pour de nouvelles anecdotes historiques.


[1] Premier président de la caisse de secours mutuels de la maison De Dion-Bouton et membre du personnel de l’usine.

[2] « Images du Passé, 1883-1926 », Amicale De Dion-Bouton, mai 1937, pp. 121-122.

[3] L’Eveil, n°292, 6 au 12 septembre, 1951.

[4] Délibérations du conseil municipal de novembre 1906.

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