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Épisode 2 : l’affaire Francesco Spano

Nous nous retrouvons pour un deuxième épisode de la série « Frissons aux archives » dans laquelle nous vous racontons des histoires horrifiques inspirées de faits réels, d’enquêtes et légendes qui ont eu lieu à Puteaux. Ce deuxième épisode est construit sur la base d’un fait réel : l’assassinat d’Henri Macé, contremaître à l’usine Edeline-Gallus, par un ouvrier licencié du nom de Francesco Spano.

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Résumé

Cette histoire commence le 11 juillet 1903 lorsqu’un ouvrier de l’usine Edeline-Gallus, un certain Cappellini, présente un de ses compatriotes italiens comme son frère, M. Spano, au directeur pour lui trouver une place à l’usine. Francesco Spano est un jeune homme âgé de 23 ans, aîné d’une fratrie de 8 enfants, habitant au 17 rue Manissier à Puteaux. Son contremaître, Henri Macé le reprend à plusieurs reprises sur son travail, en vain, puisque Spano ne change en rien sa conduite.

Ainsi, le 15 septembre 1903, M. Macé congédie Spano qui menace à demi-mot envers Macé au moment de régler son compte à la caisse de l’usine devant le caissier nommé M. Chassard. Le 21 septembre, une semaine après son renvoi, Spano agresse le contremaître alors qu’il rentre dans l’atelier rue Ernest, et le poignarde à deux reprises avant de prendre la fuite. Cette rue a aujourd’hui disparue pour laisser place au square Léon Blum. Il est arrêté dans sa fuite par un nourrisseur de Bois-Colombes qui le maintien jusqu’à l’arrivée de la police.

Ouvriers sur le quai National, début du XXème siècle, 2Fi1234, Archives Municipales de Puteaux

Spano est interrogé par le commissaire de police M. Broussard qui décide de l’envoyer au Dépôt pour qu’il soit jugé. Henri Macé, la victime, était un homme de 37 ans, demeurant au 25 bis rue Rousselle à Puteaux avec sa femme enceinte, âgée de 33 ans et ses trois enfants de 12, 10 et 2 ans. C’est un certain docteur Duchesne qui effectue l’autopsie après le décès. Spano est jugé coupable de meurtre par la cour d’assises de la Seine le 29 janvier 1904 alors qu’il prétendait ne jamais avoir eu l’intention de le tuer. Cette défense, l’œuvre de Maître Henri Géraud, n’est pas admise par le jury et Spano est condamné à la peine de mort, toujours en vigueur alors.

Après de nombreuses contestations du verdict par la presse de l’époque et notamment une réunion organisée par l’Union des syndicats du Département de la Seine à la Bourse du travail, le président de la République gracie Francesco Spano, suite à la demande des syndicats. Il est finalement condamné aux travaux forcés à perpétuité le 17 mars 1904.

Contexte historique

Cette histoire se déroule dans un contexte de tension politique et sociale dans la société française. En outre, la peur de l’autre est installée depuis quelque temps déjà. L’antisémitisme, dont a fait les frais Alfred Dreyfus (l’affaire dure 12 ans de 1894 à 1906), est toujours ancré dans la société et la xénophobie se répand suite à un événement très médiatisé : l’assassinat du président Sadi Carnot (1837-1894). Le président de la République française en exercice alors, est victime d’un attentat au couteau le 24 juin 1894 à Lyon. Cet assassinat est l’œuvre d’un anarchiste italien du nom de Sante Geronimo Caserio (1873-1894). Ce dernier n’approuvait pas les deux lois « scélérates », adoptées par la Chambre des députés, qui visaient à empêcher l’anarchisme de se propager en interdisant la propagande anarchiste en France.

L’anarchisme connaît une montée fulgurante dans ces années-là et de nombreux attentats sont attribués à ce mouvement. Après l’assassinat du président, Lyon est traversée d’émeutes anti-italiennes provoquées par les habitants qui s’attaquent aux maisons, magasins et commerces italiens. L’assassin Caserio est condamné à mort et est guillotiné le 15 août 1894. Le parallèle entre les deux événements est facile à faire : les deux assassins sont italiens, l’arme du crime est un couteau dans les deux cas et les deux victimes sont des représentants d’une classe sociale supérieure.

Assassinat du président Sadi-Carnot, imagerie d’Epinal n°104, 1894, Gallica

Pour aller plus loin

Qui est l’avocat de Francesco Spano ?

L’avocat de Francesco Spano, Maître Henri Géraud, est un avocat français né en 1872 et mort en 1962. C’est un grand avocat d’assises qui a plaidé dans de nombreuses affaires célèbres : il défend Rémi Couillard, domestique de madame Steinheil, accusé dans l’affaire de la mort du président de la République Félix Faure. Il participe aussi à la défense de Raoul Villain, l’assassin de Jean Jaurès ou encore Violette Nozière. Il est aussi l’avocat commis d’office de Paul Gorgulov qui avait assassiné le président de la République Paul Doumer. Cet homme obtient le titre de chevalier de la Légion d’honneur et officier d’Académie. Si pendant la Libération, il est poursuivi pour collaboration, il est finalement relaxé avant de prendre sa retraite.

Maître Henri Géraud (1872-1962), 1915, Gallica

L’entreprise Edeline-Gallus

L’entreprise Edeline-Gallus, ou aussi connu sous le nom de Société des établissements L. EDELINE et pneumatiques français GALLUS, était une manufacture générale de caoutchouc installée à Puteaux et Courbevoie. Son siège social était situé au 43 quai National à Puteaux. Elle était spécialisée dans le caoutchouc industriel et produisait des pneumatiques, des chambres à air, etc. Léon Louis Edeline (1851-1901) en était le propriétaire jusqu’à sa mort. C’est sa veuve, Mme Léon Edeline (née Sevin) qui reprend les rênes de l’entreprise avec son gendre Georges Hallam de Nittis (1866-1920)[1]. L’implantation de cette entreprise à Puteaux fait écho au passé industriel et automobile de la ville.

Nous espérons que vous aurez apprécié cet épisode et n’hésitez pas à nous suivre sur votre plateforme d’écoute favorite pour de nouvelles aventures !

Sources

Archives municipales Puteaux, Puteaux. – Quai National, 9×14, début du XXème siècle, 2Fi1234

Archives municipales Puteaux, Délibérations du conseil municipal,

Archives Nationales, « répertoire numérique de la sous-série 603AP (603AP/1-603AP/5) », Papier Henri Géraud, s.d, https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/IR/FRAN_IR_057466

Le Petit Journal, 22 septembre 1903, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/22-septembre-1903/100/454331/3

Le Petit Journal, 23 septembre 1903, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/23-septembre-1903/100/454541/1

Le Petit Journal, 30 janvier 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/30-janvier-1904/100/454929/4

Le Rappel, 31 janvier 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-rappel/31-janvier-1904/144/315983/3

Le Rappel, 12 février 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-rappel/12-fevrier-1904/144/297035/2

Le XIXe siècle, 1er février 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-xixe-siecle/1-fevrier-1904/29/1130127/1

Le XIXe siècle, 13 mars 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-xixe-siecle/13-mars-1904/29/1910111/2

Le XIXe siècle, 18 mars 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-xixe-siecle/18-mars-1904/29/1129913/3

Le Temps, 17 mars 1904, https://www.retronews.fr/journal/le-temps/17-mars-1904/123/658347/4

La Lanterne, 17 juillet 1904, https://www.retronews.fr/journal/la-lanterne-1877-1928/17-juillet-1904/62/1058379/2

Bibliographie

Ancery, Pierre, « Attentats anarchistes et ‘lois scélérates’ », écho de presse, retronews.fr, 8 novembre 2019, https://www.retronews.fr/edito/attentats-anarchistes-et-lois-scelerates

Ancery, Pierre, « L’assassinat de Sadi Carnot à Lyon », écho de presse, retronews.fr, 16 février 2018, https://www.retronews.fr/justice/echo-de-presse/2018/02/16/lassassinat-de-sadi-carnot-lyon


[1] Ils sont actuellement enterrés dans la chapelle familiale au cimetière Passy situé dans le 16è arrondissement de Paris.

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