Nous nous retrouvons pour un troisième épisode de la série « Frissons aux archives » dans laquelle nous vous racontons des histoires horrifiques inspirées de faits réels, d’enquêtes et légendes qui ont eu lieu à Puteaux. Ce troisième épisode est construit sur la base d’une histoire vraie, celle de la mort tragique de Marguerite Galleron.
https://shows.acast.com/653f8782bfecf800127b4461/frissons-aux-archives-la-noyade-de-la-blanchisseuse
Résumé
Le 30 mars 1904 au soir, une jeune blanchisseuse du nom de Marguerite Galleron, âgée de 16 ans, tombe à l’eau et se noie dans la Seine au bord du Quai National à Puteaux, aujourd’hui Quai De Dion-Bouton, après s’être enfuie pour rejoindre le jeune homme qu’elle aimait, Armand Gogniot. Le commissaire de police de Puteaux de l’époque, M. Bourgeat, reçoit le lendemain la visite d’un témoin qui lui raconte la scène. S’en suit une enquête qui mène le commissaire à croire que Marcelle Hureaux, l’ancienne amante d’Armand l’aurait poussée dans l’eau par jalousie. Les ecchymoses constatées sur le corps de Marguerite par le docteur Paul lors de l’autopsie laissent croire qu’il y a eu lutte et qu’il s’agit d’un homicide et non pas d’un suicide comme le défendent les accusés Charles Meyer, amant actuel de Marcelle Hureaux et Armand Gogniot. Des détails et témoignages viennent s’ajouter au dossier, inculpant ces derniers. Le juge d’instruction, M. de Saint-Prix, reçoit notamment la déclaration d’un industriel du quai, M. Chameroy. Finalement, faute de preuves, cette affaire est conclue par un non-lieu en faveur de Marcelle Hureaux et Charles Meyer. Tous deux sont libérés.
Le quai National (auj. quai De-Dion-Bouton) et la ligne de tramway
Pierrefitte – Saint-Cloud.
CARTE POSTALE N/B
P. Marmuse, Paris, 9 x 14,
2Fi180
Archives Municipales Puteaux
Contexte historique
La blanchisserie est l’une des plus anciennes industries implantées sur le territoire des Hauts-de-Seine notamment dû à la proximité de la Seine. En effet, cette activité nécessite une grande quantité d’eau pour des raisons d’hygiène. C’est souvent sur des terrains sablonneux infertiles qu’elle est développée et cela donne plus tard des lieux-dits nommés « les sablons ». Les blanchisseries installaient de nombreuses infrastructures pour leur activité tels que des bassins, lavoirs, séchoirs, ou encore salle de repassage, etc. Avec l’essor de l’équipement individuel des ménages comme la création des machines à laver, cette industrie décline après la Première Guerre mondiale. A Puteaux, cette industrie a laissé des traces de son passage que nous pouvons voir dans lenom de ses rues comme la rue des Blanchisseurs.
Il existe de grandes catégories de blanchisseuses : les blanchisseurs buandiers, les blanchisseurs de linge fin (répandus à Paris), les blanchisseurs apprêteurs de rideaux et les blanchisseurs apprêteurs de linge neuf.
En 1905, Puteaux comptait une quinzaine d’établissements de blanchisserie dans les rues Eugène-Eichenberger, Victor Hugo, Voltaire ou encore la rue Marius Jacotot, autrefois les rues du Centenaire et du Marché. Ils employaient un nombre restreint d’ouvriers, une douzaine environ, qui travaillaient 4 jours à temps plein et 2 jours à temps partiel. Cette population ouvrière était si nombreuse qu’un restaurant en a fait sa clientèle. « Au rendez-vous des Blanchisseurs » était situé à l’angle de la rue Eugène Eichenberger et le boulevard Richard Wallace. Ces établissements utilisaient notamment les lavoirs communaux qui étaient situés au 3 rue Agathe, 103 rue Jean Jaurès et 2 rue Cartault.
Angle Boulevard Richard Wallace et rue Eugène Eichenberger – CPA – Vers 1900
tiré de Mémoire en images Puteaux, tome 2 de Michel Hébert et Philippe Guzzo
L’un de ces établissements a marqué le paysage de Puteaux : la Blanchisserie américaine. Installée en 1897 au 33 rue Voltaire, elle occupait une superficie de 4 000 m2 , elle est reprise par la Blanchisserie du Bois de Boulogne puis par la société Elis qui quitta les lieux fin 2016 pour laisser place au quartier Voltaire.
Pour aller plus loin
Avant la création de ses industries du textile, les lavandières utilisaient aussi la Seine pour laver le linge grâce aux bateaux-lavoirs. Ces bateaux-lavoirs étaient des bateaux spécifiques amarrés aux quais. Ils sont démocratisés par Christophe Marie détenteur du privilège d’exploiter les bateaux amarrés aux berges de l’île Saint-Louis à Paris. Les propriétaires des bateaux-lavoirs installaient un gérant qui y vivait à demeure. C’est lui qui vendait la lessive et récupérait les tarifs en plus d’administrer et d’entretenir le bateau. Ces bateaux sont souvent dans une situation précaire : la proximité de la Seine et de l’eau les rend dépendant de la météo et du courant. Par exemple, Puteaux subit une gelée de la Seine en 1877 qui bloque le bateau-lavoir dans la glace.
Le quai National (auj. quai De-Dion-Bouton) depuis le pont de Puteaux avec vue du bateau-lavoir. Au fond : l’ancien pont de Neuilly
CARTE POSTALE N/B 9 x 14
2Fi820
Archives Municipales Puteaux
Au XXe siècle, l’administration se bat pour interdire les bateaux-lavoirs qui, selon elle, représentent un obstacle pour la navigation en restant à quai et une source de pollution des eaux de la Seine. Non seulement, ils produisaient énormément de fumées, mais ils rejetaient des eaux usées dans le fleuve. Le lavage du linge se faisait en plusieurs étapes : l’essangeage, le coulage, le savonnage, le rinçage, la mise en blanc et la mise au bleu. L’essangeage consistait à laver grossièrement à froid le linge pour enlever les taches ; c’est souvent cette étape qui répandait des germes. Lors du coulage, le linge était mis à bouillir pendant sept ou huit heures pour éliminer tous les germes restants. Pour blanchir le linge, elles pouvaient avoir recours au chlore. Finalement, c’est par la force des choses que ces bateaux disparaissent avec les changements d’habitudes de la population et l’interdiction de changer les bateaux endommagés.
février 1871
non coté, Archives Municipales Puteaux
Depuis le milieu du XIXème siècle, il existe un port en face de l’ancienne mairie sur le quai De Dion-Bouton (autrefois quai National). Si la date de construction du port est inconnue, l’industrialisation de la ville associée à une augmentation de la population entre 1860 et 1880 a probablement conduit à sa création. Il est construit sous la forme d’un embarcadère menant à la Seine. Un projet de nouveau port rue Godefroy est réfléchi dès 1894.
Nous espérons que vous aurez apprécié cet épisode et n’hésitez pas à nous suivre sur votre plateforme d’écoute favorite pour de nouvelles aventures !
Sources
Le Petit Parisien, 2 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-parisien/2-avril-1909/2/81502/3
Le Petit Parisien, 4 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-parisien/4-avril-1909/2/81498/2
Le Petit Journal, 7 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/7-avril-1909/100/430521/1
Le Matin, 7 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-matin/7-avril-1909/66/196841/3
Le Petit Journal, 8 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/8-avril-1909/100/430429/4
Le Petit Parisien, 8 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-parisien/8-avril-1909/2/81490/1
Le Petit Parisien, 9 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-parisien/9-avril-1909/2/81488/2
Le Matin, 9 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-matin/9-avril-1909/66/182789/5
Le Matin, 10 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-matin/10-avril-1909/66/180853/2
L’Ouest-Eclair, 10 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/l-ouest-eclair-rennes/10-avril-1909/77/141055/2
La Lanterne, 11 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/la-lanterne-1877-1928/11-avril-1909/62/1060305/3
Le Petit Journal, 14 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/14-avril-1909/100/421137/2
Le Petit Journal, 16 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/16-avril-1909/100/421135/4
La Lanterne, 18 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/la-lanterne-1877-1928/18-avril-1909/62/1060281/3
Le Petit Journal, 23 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/23-avril-1909/100/421101/3
La Lanterne, 25 avril 1909, https://www.retronews.fr/journal/la-lanterne-1877-1928/25-avril-1909/62/1060291/3
Le Petit Journal, 12 mai 1909, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-journal/12-mai-1909/100/421075/4
Bibliographie
Delahaye, Martine, « Madame Rozière : le bateau-lavoir et le bateau de bains (chauds) de Conflans », Les enfants du fleuve, la seine au 20è siècle, 2001
De Montarlot, Léon, « Les bateaux lavoirs », Le Monde illustré, 30 décembre 1899, https://www.retronews.fr/journal/le-monde-illustre/30-decembre-1899/189/2908167/11
Garnavault, Sylvie, « Les bateaux-lavoirs lavallois ou l’exceptionnelle longévité d’une flotte buandière », In Situ [En ligne], 51 | 2023, mis en ligne le 18 septembre 2023, consulté le 31 octobre 2023. URL : http://journals.openedition.org/insitu/39659
Moisy, J. Les Lavoirs de Paris, Paris, 1884, gallica https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6474288c/f7.item
« Les bateaux-lavoirs », Histoire de Paris, 13 février 2021, https://www.histoires-de-paris.fr/bateaux-lavoirs/